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YANG SHENG: UNE HISTOIRE DE MOMIE !

L’Empereur Qing avait réussi à unifier le royaume de Chine mais à sa mort, rebelote, tout est parti en sucette, des guerres partout…

Il a fallu qu’un paysan reprenne le pouvoir et devienne Empereur pour retrouver un semblant de paix qui aura duré près 400 ans. C’était il y a plus de 2200 ans, le règne de la dynastie des Han.

C’est à cette période de prospérité qu’a vécu Zhang Zhong Jing 张仲景 (150-219) à Changsha, capitale de la province chinoise du Hunan. C’est l’un des plus grands médecins chinois. Aujourd’hui encore son œuvre reste une référence dans le domaine de la Médecine Chinoise. Il est l’auteur du Shang Han Za Bing Lun 伤寒杂病论 (Traité sur le Froid et sur diverses maladies) qui sera plus tard redéfini en deux ouvrages le Shang Han Lun 伤寒论 (Traité des blessures dues au Froid) et le Jin Kui Yao Luë Fang Lun 金匮要略 (Traité des prescriptions de la Chambre d’Or). Ce sont deux livres très utilisés par les praticiens en médecine chinoise de nous jours encore. Vous avez une très bonne traduction du Shang Han Lun par Abel Gläser (- ici )

Dans le Traité des prescriptions de la Chambre d’Or, Zhang Zhong Jing, écrit ceci :

« Si un individu peut nourrir sa vie avec attention et vigilance, il empêchera les vents pathogènes de s’immiscer dans son corps, d’attaquer les méridiens principaux et secondaires, et de s’y installer ; le médecin soignera avant qu’ils puissent se propager dans les viscères et réceptacles ; dès que le patient ressentira une lourdeur et une stagnation dans ses quatre membres, il pratiquera immédiatement le daoyin et les exercices pour cracher l’ancien (souffle) et absorber le nouveau, il utilisera l’acuponcture et la moxibustion, les emplâtres et les massages, et évitera que les neuf orifices soient bouchés et obstrués »  Catherine Despeux  若人能养慎,不令邪风干忤经络;适中经络,未流传脏腑,即医治之。四肢才觉重滞,即导引、吐纳、针灸、膏摩,勿令九窍闭塞 (merci à Lokmane Benaïcha de m’avoir retrouver le passage en chinois 🙂 )

Nous avions vu dans un article précédent (- ici ), que:

Le Yang Sheng est un ensemble de méthodes pour préserver la Santé, la longévité et le bien-être.

Ce sont certaines de ses méthodes qui sont énumérées ici par ce fameux médecin :

  • Un message de prévention
  • Des méthodes utilisables par le patient :
    • Le Daoyin (Dao Yin), un des anciens noms du Qi Gong
    • les exercices pour cracher l’ancien (souffle) et absorber le nouveau

 

Une histoire de momie

C’est à une dizaine de kilomètres de Changsha, la ville de Zhang Zhong Jing justement, à Wulibei (五里牌), qu’en 1972 on fait une découverte archéologique qui fait passer les embaumeurs de momies égyptiennes pour des novices.

Nous sommes en pleine révolution culturelle, sur un chantier de construction, des ouvriers tombent sur une sépulture contenant trois tombeaux.

Les deux premiers sont dans un triste état par contre le troisième a stupéfié tout le monde.

On y a trouvé le corps d’une femme entièrement conservée, dans un liquide rouge dû au cinabre, cher aux alchimistes taoïstes.

Il s’agit de Xin Zhui 辛追, la marquise de Dai. Les deux autres tombeaux appartenaient à son mari et à son fils. Elle avait 58 ans quand elle a été enterrée en 194 avant J.C.

Dans cet article on ne va pas se disperser dans le temps, on va rester dans la période des quatre siècles de la dynastie des Han🙂

Les examens et la dissection de son corps montrent :

  • une absence de raideur cadavérique
  • des articulations mobiles
  • des chairs molles et imbibées de sang
  • des cheveux souples
  • des organes intacts
  • un cerveau dont la taille a diminué mais parfaitement conservé

C’était il y a plus de 2200 ans et c’est comme si elle était décédée deux jours avant !

En 2006, ARTE a diffusé un documentaire sur la marquise de Dai. C’est intéressant si on fait abstraction de la musique ! Je vous mets en garde quand même, il y a des passages de dissections qui ont rien à envier à un épisode des Experts.

Par contre ce reportage nous brosse le portrait d’une femme qui aime les mondanités et fait totalement l’impasse sur le reste de sa personnalité, son éducation, son savoir et ses connaissances. Ce n’est pas lui faire hommage et c’est limite indécent.

Voici le lien pour voir ce documentaire – ici

On a retrouvé dans son tombeau près de 1400 objets qui, selon les croyances de l’époque, devaient l’accompagner dans l’au-delà.

Deux-tiers de ces trouvailles étaient dédiées aux banquets de la duchesse dans la vie éternelle:

  • nourriture
  • figurines de ses domestiques, musiciens et danseuses
  • service complet
  • instruments de musique (cithare, cornemuse…)

Contrairement aux autres tombes découvertes à travers le monde, il n’y avait pas d’objets précieux comme du jade ou du bronze, le seul objet de valeur est un miroir.

Elle n’a donc pas jugé nécessaire d’avoir des richesses matérielles dans sa vie éternelle. Par contre elle a préféré emmener une cinquantaine de pièces de soie brodées.

Il y avait de nombreux manuscrits sur des supports en soie appelés boshu 帛書 et sur des lattes de bois. La plupart de ces écrits concernaient :

  • Les « grands classiques » que sont le Tao Te King (Dao De Jing) de Lao Tseu, « Traité de la Voie et de la Vertu » et le Yi King « Le livre des Mutations »
  • Les textes taoïstes du courant Huang Lao黃老
  • Des traités sur l’astronomie

D’autres livres sur des sujets aussi varié que la politique, la sexualité, les rites et ce qui nous concerne ici le plus la médecine chinoise, la pharmacopée et le Daoyin

Nous allons nous attarder sur deux rouleaux en particuliers.

A commencer par ce qu’on appelle la bannière funéraire de Mawangdui (Ma Wang Dui).

 

La bannière funéraire de Mawangdui (Ma Wang Dui).

Il s’agit  de la peinture sur soie en forme de bannière, posée sur le cercueil de la duchesse de Dai.
La bannière décrit le cheminement de la vie de son apparition ici-bas jusqu’à son passage dans l’après-vie. On y aborde des notions que les praticiens en médecine chinoise connaissent bien, comme le Yin Yang, les Po et les Hun.

J’ai assisté à une conférence d’Elisabeth Rochat de la Vallée qui décrit en détail les éléments de cette bannière. Pour ceux que ça intéresse, vous trouverez plus d’information dans son livre dédié à cette bannière – ici

Mais la plus connue de ces représentations sur soie est le rouleau daoyin tu boshu

 

Daoyin tu boshu et Yang Sheng

Le rouleau comprend :

  • quarante-quatre postures
  • disposées en quatre rangées horizontales de onze postures, hommes ou femmes dessinés sur une hauteur de 9 à 12 cm

Ces personnages sont des hommes et des femmes de tout âge, issus de milieux sociaux différents. Ces postures sont donc destinées à tous.

Chaque posture est suivie d’une inscription, les deux tiers sont encore exploitables, elles se réfèrent à :

  • l’indication thérapeutique de la posture (problèmes digestifs, douleurs articulaires …) associée à un son et un organe.
  • l’analogie de la posture avec un animal réel ou mythologique (singe, ours, grue, dragon…).

Pour compléter les informations de ce rouleau, nous allons près de Zhang Jia Shan dans la province du Hubei. Un autre tombeau découvert en 1983 appartenant à un fonctionnaire anonyme du début de la dynastie des Han. Ce tombeau est réputé pour la découverte du Suàn Shù Shū 筭 數書, un ouvrage de mathématique.

Il aura fallu attendre 2005, soit 17 années pour le reconstituer à partir des 1200 bandes de bambou écrit à l’encre, retrouvées dans le tombeau. En plus d’apporter des informations cruciales sur  les mathématiques, ces bandes traitaient des lois de l’époque et du Dao Yin.

C’est cette dernière partie qui a permis aux spécialistes de compléter les éléments manquants du rouleau daoyin tu boshu. On y apprend plus de choses sur les fonctions thérapeutiques de ces formes.

Le tombeau du mont Laoguan

C’est en 2012, pendant la construction de la ligne 3 du métro de Chengdu, que quatre cercueils en bois sont découverts datant de la dynastie Han.

Des centaines d’objets, (poteries, ustensiles en bois, en bronze ou en fer) accompagnaient ces tombeaux. Mais ce qui nous intéresse le plus ici, c’est la découverte de 920 tablettes de bambou dont on a extrait neuf ouvrages médicaux.

On y a aussi trouvé une statuette avec les gravures des méridiens et des points d’acupuncture.

On peut aussi citer la tombe du marquis de Haihun 海昏侯, découverte en 2011 dans la province du Jiangxi.

On y a retrouvé dix tonnes de pièces de monnaie en bronze, 400 lingots et plaquettes en or et plusieurs milliers d’autres objets (nourriture, vaisselle,  instruments de musique, statuettes…).

Et comme dans les autres tombes, il y avait des manuscrits écrits sur des lamelles de bambou: les Entretiens de Confucius, leLivres des rites et le Yi King « Le livre des Mutations ».

Bon on va s’arrêter ici sur les tombes où on va virer dans la nécromancie  😉

Toutes ces histoires de momies me posent quand même un petit problème. Si on prend la duchesse Dai, elle a orchestré son enterrement.

Et elle se retrouve exposer aux yeux de tous, c’est une forme de profanation.

On aurait pu faire des copies conformes de son corps et de tous les objets retrouvés (rouleau de soie, statuettes…), les chinois sont réputés pour ce genre de chose. On aurait exposé ces copies dans le musée qui lui est dédié.

Puis on aurait tout remis en terre à sa place, comme elle avait souhaité au départ mais bon ça ne ramènerait pas autant de touristes que la version originale !

Je souhaitais, ici, insister sur le fait qu’à une époque où l’on crucifiait des personnes qui parlaient de l’au-delà, d’autres un peu plus haut sur notre petite planète, préparaient leur vie futur dans cet au-delà !

Les objets retrouvés dans ces tombeaux donnent beaucoup d’importance aux rites funéraires et à l’entretien de la vie, le Yang Sheng, pour pouvoir continuer cette vie dans l’au-delà.

Ces méthodes ont traversé les siècles pour parvenir jusqu’à nous, comme l’atteste le « jeu des cinq animaux » de Hua Tuo 华佗.

Hua Tuo est un autre ponte de la médecine chinoise de l’époque des Han, contemporain de Zhang Zhong Jing, que nous avons vu au début de l’article. A propos du jeu des cinq animaux (五禽之戏, wu qin zhi xi), il est écrit dans  Chroniques des Trois Royaumes (三国志, Sānguó Zhì) datant de la fin du III siècle:

« Il prévient les maladies, il est bénéfique aux membres car c’est un exercice d’étirement dao yin  导引. »

On reviendra très prochainement sur Hua Tuo.

C’est tout pour aujourd’hui  🙂

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Bonne énergie !

Fatah

Pour en savoir plus :

Sur le tombeau de Mawangdui – ici

Sur la bannière funéraire – ici

Le tombeau du mont Laoguan – ici

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