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Article de Fatah MOKRANI

La Médecine Chinoise du 21e siècle !

16 septembre 2018, le CONSEIL ACADÉMIQUE FRANÇAIS DE LA MÉDECINE CHINOISE – CAFMC chargé de définir la profession et sa terminologie et de répondre à toute question d’expertise en matière de médecine chinoise, a rendu ses recommandations.

Pour rappel le CAFMC est composé de praticiens, d’enseignants, de chercheurs et de sinologues.

Une de ces recommandations concerne le terme :

« Médecine chinoise » pour désigner la discipline dans son ensemble.

Le CAFMC, dans ses différents rapports a exposé de nombreux arguments qui légitiment, sans ambiguïté, ce choix de « médecine chinoise » plutôt que « médecine traditionnelle chinoise ».

Si en chinois Médecine Chinoise se prononce Zhong Yi 中医 (médecine du milieu) sans y ajouter le mot « traditionnelle », pourquoi nous ou les anglo-saxons le ferions ?

Même si la médecine chinoise est basée sur ce qu’on appelle les « classiques de la médecine chinoise » que sont entre autres :

  • le Huangdi neijing (黄帝内經), Classique interne de l’empereur Jaune qui se divise en deux parties : le Suwen et le Lingshu.
  • Le Nanjing (難經)le Classique des difficultés
  • le Shanghanlun (傷寒論) le Traité des attaques du froid
  • le Zhenjiujiayijing (針灸甲乙經), l’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion
  • le ZhenjiuDacheng  (針灸大成), le Compendium d’acupuncture et de moxibustion
  • le Shennong bencao jing (神農本草經)le Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une médecine « vivante » qui évolue avec son époque. Le mot « traditionnelle » laisse entendre que ce serait une médecine figée dans le temps ! Hors ce n’est pas le cas ! De tout temps, les médecins y ont apporté leurs contributions pour la faire évoluer ou établir des nouveaux postulats en cas de divergences.

C’est le cas avec Li Shizhen, l’auteur du Bencao gangmu (本草綱目) abrégé de matière médicale datant de 1578. Il a mis 27 ans pour compiler cette œuvre majeure de la pharmacopée chinoise, en reprenant les textes anciens, en corrigeant plusieurs erreurs et en y ajoutant sa touche personnelle.

La médecine chinoise s’enrichit de nouveaux savoirs et les intègre dans sa pratique quelqu’en soit la provenance.

Il est par exemple courant de penser que l’auriculothérapie est « complètement » chinoise. Ce n’est pas vraiment le cas. Les chinois utilisaient quelques points situés dans les oreilles pour traiter certains symptômes mais c’était anecdotique par rapport à ce qui se fait aujourd’hui. C’est à la suite des travaux d’un français, le Dr Paul Nogier, dans les années 50, que l’auriculothérapie est vraiment née. Nogier a cartographié des zones précises de l’oreille qui correspondent à des zones corporelles. Il a établi que la stimulation de ces zones agissait sur les organes atteints. Et depuis la Chine s’en est fait une spécialité.

L’acupuncture du 20e et 21e siècle

L’acupuncture évolue elle aussi. Au cours de ces dernières décennies plusieurs formes d’acupunctures ont vu le jour.

On peut citer Jia Zhen, l’acupuncture sur les joues.

Je vous recopie le descriptif :

« L’acupuncture sur les joues a été découverte en 1991, et depuis 1999 cette thérapie est étudiée en profondeur en Chine par l’Institut de recherche de Médecine Chinoise de Ganshu et est financée par un projet de recherche du gouvernement de la province de Ganshu. Cette recherche a reçu le 2eme prix du concours Huangfu Mi en 2007.

L’acupuncture sur les joues est un système de micro-acupuncture pour soigner et prévenir les maladies correspondant à toutes les fonctions du corps. Cette méthode a  été présentée dans de nombreux congrès internationaux d’acupuncture et son efficacité a été testée par de nombreuses expériences cliniques. Elle donne en particulier de bons résultats sur les maladies complexes, physiques et psychologiques. »

Je me suis formé à cette méthode par son créateur, le docteur Wang. J’ai pu lui servir de cobaye pendant les cours, c’était juste hallucinant. Il fallait que je trouve quelque chose, j’ai souvent une vertèbre qui fait des siennes.

Le Dr Wang, passe sa main sur ma colonne vertébrale, repère la vertèbre rebelle sans que je lui dise quoi que soit. Il me fait allonger et me pique une joue avec trois petites aiguilles très rapprochées. Aussitôt je sens ma vertèbre se déplacée toute seule ! J’en ai vu et fait des choses mais avec des aiguilles c’était la première fois que j’assiste à un résultat aussi instantanée qui nécessite un déplacement « mécanique ».

Et comme si cela ne suffisait pas, il me fait asseoir, examine de nouveau ma colonne et là il me dit « maintenant c’est plus bas ». Et rebelote, même scénario et même résultat mais il avait piqué avec deux aiguilles un peu plus bas que les premières.

Je reviendrai sur cette méthode si son « créateur » accepte d’en faire la présentation lui-même.

 

Une médecine holistique au 21e siècle

En médecine chinoise, il n’y a pas de recette miracle. Chaque patient est différent, il vient avec son « terrain », son vécu, ses habitudes alimentaires, ses charges émotionnelles, son patrimoine « génétique » et j’en passe. C’est pourquoi on dit d’elle que c’est une médecine holistique.

Chaque individu étant différent, son « pouls » et sa « langue » seront différents et le traitement sera par conséquent différent.

Il en est ainsi depuis les « classiques » !

Essayer d’expliquer la médecine chinoise avec les concepts de la science moderne, c’est comme un chinois qui essaie de communiquer avec un français, chacun dans leur langue respectif, c’est compliqué !!!

Mais il y a quelques jours la Chine en a décidé autrement. Le 12 mars 2019, le Centre médical de médecine chinoise fondée sur des preuves, a été officiellement créé par à l’Académie chinoise des sciences médicales chinoises (CACMS).

A cette occasion, Huang Luqi, membre de l’Académie chinoise d’ingénierie et directeur de la CACMS a déclaré:

« Des études médicales fondées sur des preuves évaluent la vérifiabilité clinique et l’efficacité d’une théorie médicale avec un examen et une analyse scientifiques »

Il ajoute:

« La combinaison d’études médicales fondées sur des preuves et des fonctionnalités de la médecine chinoise contribuera à améliorer l’efficacité clinique de celle-ci et lui fournira également l’occasion de prouver ses valeurs médicales au monde. »

On pourrait penser que jusqu’à présent la Médecine Chinoise a pu se développer à travers les siècles sans avoir à prouver quoi que ce soit.

Mais il semblerait que la démarche de la « médecine fondée sur des preuves » avait déjà été faite par le passé.

Sous la dynastie Qing, Zhang Zhongjing 張仲景, en se basant sur plusieurs ouvrages médicaux, a recueilli et analysé une grande quantité de preuves cliniques.

Il a ainsi :

  • vérifié le traitement des syndromes de ses prédécesseurs
  • sélectionné les preuves de traitement pour ces syndromes
  • fait des regroupements entre:
    • le diagnostic clinique
    • le traitement
    • le pronostic
    • le résultat clinique

Et à partir de tout ce travail, Zhang Zhongjing a intégré le fruit de ces « récoltes » de preuves dans ce qui allait devenir une des œuvres majeures de la médecine chinoise: le Shanghanlun 傷寒論, Traité des blessures dues au Froid qui a été traduit en français et annoté par Abel Gläser.

Comme le concept de preuves a évolué ces deux derniers millénaires, la Chine veut se mettre à la page pour devenir crédible sur la scène internationale. Pour cela, le Centre médical de médecine chinoise fondée sur des preuves a deux objectifs:

  • construire une nouvelle plate-forme de développement de la médecine chinoise
  • améliorer l’efficacité de la médecine chinoise

Pour y arriver, ce centre s’est fixé des objectifs:

  1. Appliquer les innovations scientifiques et technologiques à la médecine chinoise en créant des normes par exemple.
  2. Coordonner les différentes méthodes de recherches pour développer la médecine chinoise.
  3. Construire une plate-forme pour la recherche médicale pour fournir une garantie scientifique
  4. Promouvoir la coopération internationale dans plusieurs domaines (la chimie, la pharmacologie, les statistiques de données, les essais cliniques, les politiques, les réglementations…) pour promouvoir le développement de la médecine chinoise.

Ces démarches ne sont pas nouvelles, elles ont été initiées il y a déjà plusieurs années mais maintenant elles vont être accentuées par les nouveaux enjeux de la Chine et du rôle qu’elle veut prendre dans l’échiquier international.

Elle a déjà créé des structures pour enseigner et développer la médecine chinoise dans une trentaine de pays.

Voici un aperçu de ce qu’est déjà la médecine chinoise au 21e siècle.

La pharmacopée version 2.0

La pharmacopée chinoise a ses propres règles et sa propre « logique », elle ne cherche pas à extraire le principe « actif » d’une plante par exemple.

Si on prend Ban Lan Gen (Bǎn Lán Gēn; 板蓝根), la racine d’Isatis, qu’on appelle aussi aussi la racine du pastel des teinturiers. Elle est de nature Froide et de saveur Amère et son tropisme va au Cœur, au Poumon et à l’Estomac.

Elle draine la chaleur, élimine le feu toxique, rafraîchit le sang et elle est bénéfique à la gorge.

Elle est utilisée en médecine chinoise pour prévenir ou traiter le rhume par exemple.

Mais  depuis peu, cette plante a acquis un statut international !

Ban Lan Gen

En février, l’Organisation Internationale de Normalisation a publié une norme ISO pour Ban Lan Gen.

Wang Rui, professeur à l’Université de médecine chinoise de Shanghai, qui a travaillé pendant 10 ans sur cette plante a déclaré :

« Dans la théorie de la médecine traditionnelle chinoise, le ban lan gen peut éliminer la chaleur et les toxines, refroidir le sang et éclaircir la gorge. Alors, comment expliquer le concept chinois de «toxines» aux experts étrangers? C’était la partie la plus difficile. Lorsque des bactéries ou des virus pénètrent dans le corps, les résidus qu’ils produisent ou les métabolites sont les toxines. »

« La norme ISO décrit les spécificités de ban lan gen, comment tester sa composition et les exigences minimales pour cette composition ».

Wang Zhengtao, directeur du Centre de R & D pour la normalisation des médicaments chinois à Shanghai, quant à lui a déclaré :

«La médecine chinoise étant issue de la nature, sa composition est extrêmement complexe. Une plante contient souvent des centaines, voire des milliers de composants. Ceci est très différent des médicaments chimiques. Nous approfondissons encore notre compréhension de la médecine traditionnelle et il reste encore beaucoup de travail de recherche fondamentale à faire.»

Selon Wang Zhengtao, 12 plantes utilisées en Médecine  Chinoise ont maintenant reçu une norme ISO, ce qui signifie qu’elles ont désormais une licence pour être commercialisées à l’international.

Les points d’acupuncture aux 21e siècle

Quoi qu’on en dise, malgré toutes les études faites sur l’acupuncture, il n’y a toujours pas de réelles preuves scientifiques.

On est peut-être à l’aube d’une réelle preuve de l’efficacité de l’acupuncture grâce à des chercheurs chinois qui auraient trouver un moyen de localiser les points d’acupuncture.

Perso, ça me fait une belle jambe, n’importe qu’elle praticien en médecine chinoise qui à l’habitude de palper, sentira ces points sous ses doigts. Mais bon ça peut avoir son utilité de le prouver scientifiquement.

Les scientifiques ont découvert que les points sont situés à l’endroit où se trouvent des concentrations élevée de mastocytes humains liées à notre système immunitaire.

Mastocytes

Les mastocytes sont des cellules conjonctives situées sous les épithéliums et le long des vaisseaux sanguins. En présence d’antigènes, elles libèrent de grandes quantités d’héparine et d’histamine, ce qui a pour conséquence de déclencher une inflammation.

Huang Meng, assistant de recherche à l’université de Fudan, a déclaré :

« Le mastocyte a une sorte de protéine sensible qui peut ressentir la stimulation »

« Une fois activée, la cellule libère une sorte de matière bioactive qui, à son tour, stimulera les capillaires sanguins et les nerfs qui l’entourent. Cela produira un signal pour l’effet curatif. »

Xia Ying, professeur à l’Université de Fudan, a déclaré :

« À l’heure actuelle, il n’existe pas de norme universelle pour le traitement de l’acupuncture. Nous travaillons pour obtenir des données afin de soutenir la science moderne de l’acupuncture. »

Comme pour la pharmacopée, les scientifiques espèrent que leurs travaux amélioreront les traitements d’acupuncture dans le monde entier en établissant des normes cliniques pour le traitement de diverses maladies.

 

Cancer et médecine chinoise au 21è siècle

Chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et maintenant immunothérapie sont les principales méthodes de traitement du cancer.

Ces thérapies ont de lourdes conséquences à différents niveaux.

Pour la radiothérapie :

  • Fatigue
  • Anémie
  • Problèmes de peau
  • Perte d’appétit
  • Nausée, vomissement

Pour la chimiothérapie :

  • Destruction les tissus sains en plus des cellules tumorales
  • Diminutions du nombre de globules blancs et de plaquettes
  • Anémie
  • Perte de poils et de cheveux
  • Diarrhée / Constipation
  • Inflammation des muqueuses
  • Changement de goût et d’odorat
  • Douleurs…

Ça fait beaucoup, alors quand une méthode efficace, fiable, avec moins d’effets secondaires arrive sur le marché, ça devient une révolution et si en plus cette méthode utilise des produits issus de la médecine chinoise c’est l’apothéose !

Alors quelle est cette méthode révolutionnaire ? Elle a quelques années d’existences mais cette « alliance » des deux médecine est récente.

Il s’agit de la nanotechnologie !

En 87, on en rêvait déjà !

De nos jours, cette nouvelle stratégie de traitement anti-tumoral consiste en des combinaisons de produits issue de la médecine chinoise faisant appel à des systèmes d’administration ciblés basés sur les nanotechnologies.

Vous trouverez les détails en anglais dans cette études : ici

En gros, au début du XXe siècle, Paul Ehrlich a proposé le concept de médicament ciblé (« balle magique »), composé de trois éléments:

  • le médicament,
  • le fragment de ciblage
  • le vecteur du médicament.

L’objectif principal était de délivrer le médicament à l’organe cible spécifique selon un mécanisme de guidage spécifique.

En pharmacopée chinoise, ce ciblage dans une zone spécifique du corps s’appelle le tropisme et c’est connu depuis un petit moment déjà 😉

En médecine moderne, les préparations ciblées se caractérisent :

  • par une concentration de l’action pharmacologique dans les tissus cibles
  • un contrôle de la libération du médicament
  • une diminution des effets indésirables

Les systèmes d’administration de médicaments à ciblage nanométrique présentent des avantages remarquables :

  • en renforçant la capacité de ciblage des médicaments
  • en améliorant la distribution et les propriétés pharmacocinétiques des médicaments antitumoraux in vivo et in vitro
  • en augmentant la stabilité des médicaments
  • en solubilisant les médicaments peu solubles
  • en protégeant les médicaments de la dégradation in vivo, régulant intelligemment la libération de composants, améliorant l’efficacité et réduisant la toxicité

En règle générale, le ciblage des médicaments peut être classé en trois catégories:

  • préparations ciblées passives,
  • préparations ciblées actives
  • autres systèmes d’administration physico-chimiques ciblés

Parmi ces médicaments combinés à la nanotechnologie, on peut citer des produits issus de la pharmacopée chinoise contre les cellule cancéreuse.

On a par exemple Bai Hua Dan 白花丹,la racine de Plumbago Zeylanica.

Bai Hua Dan

En médecine chinoise, cette plante disperse le vent, élimine l’humidité, favorise la circulation du Qi et du Sang et élimine la toxicité. C’est pourquoi elle est indiquée dans les cas de plaies, furoncles, gale, morsures de serpent, arthrite, aménorrhée, prurit et maux d’estomac.

Elle est aussi reconnu pour avoir une action sur les cellules cancéreuses. Couplée avec un médicament anti-tumoral (célécoxib), ces deux substances on été introduit dans un « véhicule » issu de la nanotechnologie, un nanoliposome.

Le tout, appelé CelePlum 777, présente une bonne stabilité et peut libérer ces deux médicaments dans des proportions optimales pour obtenir un effet de « destruction synergique maximal ».

Par rapport aux nanoliposomes contenant des médicaments individuels, CelePlum 777 peut:

  • renforcer l’inhibition de la prolifération cellulaire du mélanome
  • réduire la croissance des tumeurs du mélanome

 

Pour conclure

L’année dernière, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a inclus la médecine chinoise pour la première fois dans la onzième édition de la Classification internationale des maladies (CIM-11).

Mais la médecine chinoise a besoin d’une légitimité pour être crédible aux yeux de la communauté internationale. La Chine se donne les moyens en voulant coller aux standards internationaux.

A l’heure où les « usagers » reviennent vers des méthodes naturelles et deviennent de plus en plus méfiants sur tout ce qui a été généré par la science et son besoin de « preuves » (scandales sur les produits pharmaceutiques, suspicions sur les vaccins, thérapie qui font plus de mal que de bien…), est-il judicieux qu’une médecine millénaire se livre à tout cela ? A vous de vous faire votre opinion 🙂

Bon Qi !

Fatah 🐉

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